Le pouvoir des partenariats : entretien avec P&G et Merck
Le pouvoir des partenariats : entretien avec P&G et Merck

Le pouvoir des partenariats : entretien avec P&G et Merck

Voici un entretien spécial avec les partenaires fondatrices du Business Ally Network (BAN) (Réseau d’allié·e·s d’affaires) de Deliver for Good sur le thème du pouvoir des partenariats.

Lancé à l’occasion de la Conférence Women Deliver 2019, le Business Ally Network de Deliver for Good valorise la collaboration intersectorielle en vue de faire progresser l’égalité des genres dans l’ensemble des Objectifs de développement durable. Dans cet entretien exclusif, les partenaires fondatrices du réseau – Anna Van Acker, présidente et directrice générale de Merck Canada et Carolyn Tastad, présidente du groupe et partenaire exécutive pour l’égalité des genres chez P&G – s’expriment sur le pouvoir des partenariats dans la promotion du changement au profit de toutes et tous.

 

Katja Iversen : Les Nations Unies accueillent ce mois-ci le Forum politique de haut niveau pour examiner les progrès réalisés par rapport aux Objectifs de développement durable, et notamment l’ODD 17 sur les partenariats. Votre entreprise s’est appuyée sur le pouvoir des partenariats pour entraîner des changements sociétaux positifs. Quels sont certains des principes au cœur de l’engagement intersectoriel, où le secteur privé se rapproche du secteur public et/ou de la société civile, qui permettent de rapprocher profit et objectif?

Anna Van Acker, Merck : Nous avons conscience que, dans le paysage mondial de la santé en constante évolution aujourd’hui, aucun secteur ne peut relever seul des défis majeurs de santé publique. Les questions de santé auxquels les femmes et leurs communautés sont confrontées sont variées et nécessitent une approche transversale. Il est important de rassembler des entités à la fois variées et non traditionnelles qui apportent toutes à cette collaboration leur propre point de vue ou des compétences essentielles qui peuvent nous aider à aller dans le sens d’améliorer davantage l’égalité des genres. Pour Merck, les partenaires sont des expert·e·s et nous nous sommes engagé·e·s dans un dialogue ouvert et honnête avec l’intention de créer un monde plus équitable.

Au sein des partenariats public-privé, les secteurs peuvent déployer tout leur savoir-faire et compléter leurs efforts mutuels. Les entreprises telles que Merck apportent leurs compétences scientifiques dans la recherche de nouvelles solutions à des problèmes de santé. Dans le monde entier, Merck collabore avec diverses organisations, dont des institutions multilatérales, des gouvernements, des ONG et des associations professionnelles. Et avec ces partenariats, nous œuvrons ensemble à tirer profit de notre savoir-faire et nos compétences mutuelles en vue de relever des défis sanitaires, et notamment la mortalité maternelle, le cancer du col de l’utérus, le diabète et le VIH.

Et ici, au Canada, nous faisons partie du partenariat Project Red Lily, qui a mis en place une stratégie pour l’amélioration des résultats de santé des Premières Nations au Saskatchewan, dont les taux de VIH et de VHC sont parmi les plus élevés de tout le pays. Les autorités sanitaires, les prestataires de soins de santé et les leaders des communautés des Premières Nations de la province du Saskatchewan révisent maintenant ensemble une proposition, en vue de la mise en place d’un programme de traitement culturellement adapté visant à élargir les soins du VHC, du VIH et des IST pour les Premières Nations dans le centre de la province.

Carolyn Tastad, P&G : Lorsqu’il est question de résoudre des problèmes majeurs et complexes, nous savons que nous ne pouvons pas y arriver seul·e·s. C’est la raison pour laquelle les partenariats sont essentiels à la réussite. L’important est de trouver des partenaires dont les compétences viennent compléter les vôtres, et qui sont en mesure d’élargir la portée et l’impact de vos programmes.

L’une des grandes réussites de P&G en ce sens est le programme éducatif Always puberté. Depuis une trentaine d’années, nous appuyons le développement de la confiance des filles en elles-mêmes, en partenariat avec plus de 30 agences dans plus de 70 pays, afin d’apporter aux filles l’éducation à la puberté et les produits d’hygiène menstruelle. Nos partenaires locaux et des organisations mondiales, telles que Save the Children, l’UNESCO et ONU Femmes, nous permettent d’atteindre 17 millions de filles chaque année par le biais de ce programme.

Un autre exemple de la puissance des partenariats est notre programme Eau potable sûre pour les enfants. Les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la crise mondiale de l’eau. Nous avons lancé notre programme Eau potable sûre pour les enfants en 2004, et avec l’aide de plus de 150 partenaires, nous donnons accès à l’eau propre à des enfants et des familles dans le monde. Nous nous étions fixé l’objectif de fournir 15 milliards de litres d’eau potable d’ici à 2020, objectif que nous avons atteint plus tôt cette année. Grâce à nos nombreux partenaires fiables, nous avons pu élever notre engagement à 25 milliards de litres d’ici à 2025.

Pour pouvoir mener de tels projets à bien, il nous faut trouver des partenaires – ONG, organismes à but non lucratif, vendeurs et fournisseurs – ayant la même vision que nous et avec qui la mise en commun de nos ressources et le rapprochement des capacités complémentaires permet d’aller encore plus loin.

Katja Iversen : De nombreuses initiatives du secteur privé réalisent du très bon travail vers la réalisation de l’égalité des genres. Vous comptez aujourd’hui, aux côtés de Women Deliver et d’autres organisations de la société civile, parmi les membres fondatrices du Business Ally Network de Deliver for Good. Qu’est-ce qui différencie ce réseau d’autres initiatives en faveur de l’égalité des genres dont vous faites déjà partie, et que souhaitez-vous voir ce réseau accomplir au cours des 3 années à venir? 

Anna Van Acker, Merck : Des données récentes du Forum économique mondial indiquent qu’il faudra 108 ans pour combler l’écart entre les genres. C’est inacceptable, et tous les pans de la société doivent s’allier pour résoudre ce problème. La portée du secteur privé est relativement étendue, et il est en capacité d’aborder de front les questions d’opportunités, de valeur et d’égalité. Notre entreprise est fière d’être partenaire du Business Ally Network car nous croyons en le pouvoir et la nécessité des partenariats, et nous sommes à la fois honorées et inspirées par les défenseur·e·s de l’égalité des genres avec qui nous œuvrons dans ce cadre. En outre, nous encourageons d’autres entités du secteur privé à nous rejoindre dans cet important mouvement. Nous espérons apprendre, nous espérons contribuer, et nous espérons entraîner des changements pour les femmes dans le monde entier.

Le BANest une occasion incroyable pour Merck et le secteur privé de donner le meilleur d’eux-mêmes pour faire progresser l’égalité des genres dans le monde. Nous espérons voir, au cours des trois prochaines années, d’autres entreprises nous rejoindre pour créer une série de plans d’action spécifiques aux dirigeants d’entreprises afin de contribuer à atteindre les ODD et obtenir des résultats concrets au sein du secteur privé pour nos employées, et au-delà.

Carolyn Tastad, P&G : Notre entreprise est fière de compter parmi les membres fondatrices du BAN de Deliver for Good, car elle a conscience qu’il faut être plusieurs pour résoudre des questions telles que l’égalité des genres. Il faudra que nous nous y mettions toutes et tous, ensemble, pour créer un monde plus égal en termes de genres.

La portée du BAN de Deliver for Good est d’envergure mondiale, ce qui permet aux partenariats public-privé de trouver des solutions innovantes, holistiques et intégrées pour faire progresser l’égalité des genres dans tous les domaines qui ont un impact sur la vie des filles et des femmes.

Nous espérons qu’au cours des prochaines années d’autres entreprises du secteur privé se joindront au réseau pour supprimer les obstacles et travailler main dans la main avec la société civile, en vue de relever certains des défis les plus importants qui freinent le progrès.

Ensemble, nous pouvons utiliser notre pouvoir individuel et collectif pour faire que ce monde soit meilleur pour les filles et pour les femmes, et pour tout le monde.

Katja Iversen : Le secteur privé est essentiel à la promotion de l’égalité des genres, mais nombre des engagements demeurent superficiels, ou viennent s’ajouter à des initiatives de responsabilité sociale des entreprises. Merck est pionnière en ce qu’elle va bien plus loin, et innove en faveur de l’épanouissement des femmes, des familles et des communautés. Comment et pourquoi pensez-vous que le secteur privé peut créer davantage de valeur, à la fois pour les parties prenantes et la société ?

Anna Van Acker, Merck : Chez Merck, nous mettons notre savoir-faire scientifique au service de l’élaboration de nouveaux médicaments qui améliorent la santé de millions de personnes à travers le monde. Il est de notre responsabilité de nous associer avec d’autres parties prenantes pour contribuer à améliorer la santé publique, en inventant de nouvelles solutions pour combler des manques et répondre aux besoins sanitaires évolutifs des filles et des femmes. Au Canada, Merck a investi dans d’importants projets de recherche pour faire progresser la science, à hauteur de plus d’un milliard de dollars depuis l’an 2000, dans le but d’aider les gens à vivre une vie plus heureuse et en meilleure santé

Et nous réalisons de plus en plus combien l’égalité des genres ne peut être traitée comme une question superficielle; nous devons la placer en tête de notre culture d’entreprise et au centre de tout ce que nous faisons. Les entreprises multinationales telles que Merck ont uneportée étendue , qui s’étend au-delà de notre personnel, de nos vendeurs et vendeuses et de nos chaînes d’approvisionnement. Nous sommes tenues, du fait de cette influence, de respecter desnormes élevées , car la manière dont nous fonctionnons en interne et en externe a des répercussions à la fois sur nos parties prenantes et sur la société.

Katja Iversen : Merck a franchi une étape supplémentaire en direction de l’égalité des genres par le biais d’initiatives telles que Merck for Mothers, qui s’appuie sur l’engagement de l’entreprise en termes de santé publique – et de santé des femmes plus particulièrement – pour mettre en œuvre des programmes, des partenariats et des solutions visant à ce qu’aucune femme ne meure en donnant la vie. Comment d’autres entreprises peuvent-elles mieux mettre leur savoir-faire au service de la résolution de questions cruciales ayant un impact sur les filles et les femmes ? 

Anna Van Acker, Merck : Le secteur privé a tant à offrir en tant que partenaire dans les domaines de la santé globale et du développement. Les entreprises ne peuvent, cependant, être réellement efficaces que si elles écoutent et apprennent de leurs partenaires communautaires. En tant qu’entreprise qui soutient des programmes localement et dans le monde entier, Merck doit s’engager de manière significative au niveau du leadership communautaire pour comprendre les défis de santé publique et la manière de les relever, tout en répondant directement aux besoins locaux.

Au Canada, par exemple, l’initiative Merck for Mothers nous permet de soutenir les efforts de réduction de la mortalité maternelle chez les femmes autochtones dans deux provinces, l’Alberta et l’Ontario. Ces deux programmes visent à améliorer la santé maternelle chez les femmes autochtones en agissant au niveau de la sensibilisation aux pratiques culturelles relatives à la grossesse et à l’accouchement, tout en créant des ponts entre les femmes et les services d’hébergement, de soutien aux problèmes d’usage de substances et de soins maternels culturellement adaptés et sûrs. Ces solutions, qui ont été conçues et menées par les communautés autochtones, promettent d’entraîner des changements positifs, à la fois pour les femmes et leur famille.

Katja Iversen : Vous défendez l’égalité des genres depuis très longtemps au sein du secteur privé, et notamment chez P&G où vous avez renforcé les politiques d’égalité sur le lieu de travail, la gestion des carrières sur le long terme afin de promouvoir la représentation égale des genres et la transformation de la culture du leadership. Quels progrès avez-vous pu constater en termes de réalisation de l’égalité au cours de votre carrière? Et comment continuez-vous à être résiliente et engagée face aux nombreux défis à relever?

Carolyn Tastad, P&G : Notre ambition, chez P&G, est de bâtir un monde meilleur pour tout le monde ; un monde exempt de stéréotypes de genre, où toutes les personnes ont voix au chapitre et sont représentées de la même manière; un monde où tout le monde est témoin de l’égalité. Nous savons que dans de telles circonstances, les communautés sont plus saines, les entreprises prospèrent et le monde est meilleur pour chacune et chacun d’entre nous.

Nous visons à créer un environnement inclusif et égal pour tous les genres, au sein de notre entreprise comme à l’extérieur. Nous nous sommes fixé un objectif de représentation à 50/50 à tous les niveaux de P&G. Aujourd’hui, 47 % des responsables sont des femmes, 40 % de la majeure partie de nos cadres de direction sont des femmes et 40 % des membres de notre conseil d’administration sont des femmes. Nous avons fait d’excellents progrès, mais il nous reste des marches à gravir.

Nous continuons à améliorer nos politiques et nos avantages pour qu’ils soient égaux pour tous les genres. Nos politiques d’horaires de travail flexibles, par exemple, sont utilisées tant par les hommes que par les femmes. Nous avons amélioré notre programme de congé parental, qui accorde maintenant des avantages aux mères biologiques, aux parents adoptifs et aux pères. Nos avantages incluent un soutien lors des transitions de vie, pour les parents vieillissants par exemple.

Et nous savons que nous devons toutes et tous mettre la main à l’ouvrage pour construire un environnement inclusif. Ce n’est pas un effort demandé seulement aux femmes. Chez P&G les hommes sont inclus dans notre Equipe de leadership des femmes cadres d’entreprise (Corporate Women’s Leadership Team). Et, en partenariat avec Catalyst, nous proposons des ateliers MARC (Men Advocating Real Change) afin d’approfondir la prise de conscience relative aux privilèges et aux préjugés.

Nous continuons à faire des progrès réguliers vers l’atteinte de nos objectifs, et nous restons engagé·e·s à atteindre l’égale représentation à tous les niveaux et à veiller à ce que l’ensemble des membres de notre personnel se sentent valorisé·e·s, afin de donner le meilleur d’elles et d’eux-mêmes.

Katja Iversen : Pourquoi vous êtes-vous, en tant que cadre exécutive, personnellement engagée à ce que davantage de voix de femmes soient entendues à la table des négociations, et quelles actions avez-vous prévues à l’avenir pour respecter cet engagement 

Anna Van Acker, Merck : En tant qu’entreprise, notre succès dépend du soutien que nous apportons à tous les talents au sein de Merck, et à la promotion de la diversité des voix, des points de vue et des solutions. Nous savons que les affaires marchent lorsque les femmes sont représentées et soutenues de manière égale. Et nous savons que notre société et nos économies s’épanouissent lorsque les femmes sont autant valorisées, tant par les rémunérations que par les possibilités de diriger.

Chez Merck Canada, je me suis engagée à créer des opportunités pour les femmes et à veiller à nous efforcer d’atteindre l’équité des genres à tous les niveaux de l’entreprise. Je suis fière de pouvoir dire, qu’au Canada, 63 % de notre personnel et plus de 50 % des personnes à des postes de gestionnaires sont des femmes. De plus, Merck a récemment rejoint le NYSE Board Advisory Council (conseil consultatif du CA de la Bourse de New York), dont l’objectif est de faire progresser la diversité au sein des conseil d’administration  des sociétés.

L’égalité des genres au sein des membres du personnel nécessite de disposer d’un environnement favorable. En tant que femme à un poste exécutif, je m’engage à développer un nouveau modèle de leadership à l’échelle de l’entreprise et à multiplier les occasions de débattre de ces questions essentielles, afin de comprendre comment nous pouvons continuer d’apprendre, de croître et nous assurer que nous vivons en conformité avec nos valeurs et favorisons une culture de l’égalité des genres.

Katja Iversen : L’influence de P&G est énorme dans le monde de la publicité, grâce aux récits culturels qui sous-tendent la promotion de ses marques. Comment votre entreprise aborde-t-elle les préjugés genrés et modifie-t-elle les schémas narratifs autour des filles et des femmes dans la publicité ? Et à votre avis, que peuvent faire les entreprises pour s’écarter des stéréotypes de genres de façon permanente, et non temporaire ?

Carolyn Tastad, P&G : Nous sommes la plus grosse société publicitaire au monde. Nos messages atteignent des milliards de consommatrices et consommateurs et nous avons conscience de l’impact que cela peut avoir. Les grandes marques et les grands publicitaires tels que P&G ont un rôle essentiel à jouer dans la promotion de l’inclusion et de l’égalité.

C’est pour cela qu’une part importante des efforts que nous déployons en direction de l’égalité des genres vise à tirer profit de notre portée dans le monde de la publicité et des médias pour déconstruire les préjugés genrés, avec des campagnes telles que #CommeUneFille d’Always ou Face Anything d’Olay. Que nous abordions les questions d’égalité des rémunérations avec Secret ou de la masculinité moderne avec Gillette, ou que nous présentions tout simplement les hommes comme des partenaires égaux avec des pères qui changent des couches ou nettoient des sols avec des Swiffers, la publicité influence la manière dont nous percevons le monde et sa capacité à changer les mentalités.

Pour que l’impact de ce travail s’inscrive dans la durée, nous devons collaborer pour que les changements prennent davantage d’ampleur. C’est pour cette raison que nous formons une équipe avec d’autres entreprises du secteur dans le cadre de l’Initiative #SeeHer de l’Association nationale des publicitaires (ANA) et de l’Unstereotype Alliance d’ONU Femmes, qui visent à éliminer les préjugés genrés dans les publicités et les médias. Nous sommes également partenaires de Free the Bid, pour que davantage de femmes puissent se tenir devant et derrière la caméra.